Connaissez-vous Les Bobos, l’émission de Télé-Québec qui met en vedette Marc Labrèche et Anne Dorval? Ces deux-là incarnent avec talent deux « bourgeois bohèmes », des bobos, qui habitent le mythique Plateau-Mont-Royal. Je vous invite à regarder l’épisode « Chasseur de tendances », qui m’a fait beaucoup rire. Une chance que le personnage d’Étienne Maxou existe parce que sans lui je ne me permettrais pas de critiquer ouvertement et sans gêne ces pseudos « trend hunters » qui s’imaginent comprendre les tendances en design produit.
Les Bobos avec Marc Labrèche et Anne Dorval
Le personnage que joue Marc Labrèche se nomme Étienne Maxou et il est « chasseur de tendances » :
Étienne Maxou : homme de bon goût qui se qualifie de chasseur de tendances, il est à l’affut de ce qui s’en vient et de ce qui fera vibrer le Québec dans les mois à venir. Habitant du Plateau Mont-Royal et propriétaire d’une vaste collection de sacs à bandoulière, il est reconnu pour son sourire vaurien et sa chevelure gamine. Oracle de tendances, il avait prédit l’arrivée des « douche bags » et il a la faculté de pouvoir « texter » en utilisant doigts ou orteils. Personnage médiatique d’avant-garde, il s’est fait connaître dans les année 80 en étant le premier à manger avec des baguettes dans le vieux Québec. Il est marié à Sandrine Maxou avec qui il partage une passion coupable et inavouée pour « Star Académie ».
Ce qui est ridicule, c’est la manière totalement arbitraire avec laquelle ce Étienne Maxou définit ce « qui est tendance », ce « qui fait la tendance ». Ce pseudo chasseur de tendance semble ne pas connaître la recherche quantitative, outil fort pertinent s’il en est un si on veut découvrir ce qui fait le « buzz ». Pauvre type. On aurait dû lui apprendre à développer des compétences en analyse!
Ce genre de méthodologie (ou plutôt cette absence de méthodologie) a certes l’avantage de rassurer superficiellement celui qui fonce direct dans un mur avec une stratégie marketing basée sur la pure spéculation. On dirait bien que ce bobo lit des blogues seulement pour définir ce qui est tendance. Quel amateurisme. Il devrait plutôt accumuler une banque de données sur des sondages, des documents sérieux et des études scientifiques.
Ainsi, il pourrait constater, par exemple:
- Que les gangs de rues américaines ont une réelle influence sur les modes vestimentaires et sur la musique;
- Qu’un problème grave en santé est la non adhérence à la médication, et que de nombreuses pharmaceutiques n’y font absolument rien;
- Que les jeunes adolescents de quartiers urbains s’achètent des souliers comme d’autres achètent une voiture, selon le principe de consommation ostentatoire;
- Que les Russes consomment beaucoup de vodka parce que des stratégies gouvernementales ont encouragées cela;
- Que l’obésité est un fléau mondial qui ne va pas en s’améliorant de sorte à créer des niches de marché pour les personnes obèses : vêtements, hygiène, appareils d’entraînement…;
- Qu’on va voir apparaître dans quelques années des robots dotés de capacités de synthèse de plus en plus évoluées et capables de réaliser des expressions faciales réalistes;
- Qu’on développe déjà des outils informatiques et des algorithmes de plus en plus évolués concernant les transactions boursières;
- Qu’il est grand temps que les constructeurs automobiles réalisent que la majorité des automobilistes des grandes villes passent énormément de temps dans le trafic et que c’est pourquoi on devrait réinventer le tableau de bord;
- etc.
Étienne Maxou aurait pu découvrir tout cela parce que des études sérieuses ont été faîtes sur ces sujets.
Bien entendu, il est préférable de chasser les tendances avec une méthodologie rigoureuses afin d’éviter des flops de marché. De tels échecs, croyez-moi, il y en a et beaucoup trop! On peut penser à tous ces inventeurs qui veulent mettre en marché des choses invendables, comme ce véhicule en forme de pyramide (dreamcar123), sur lequel j’avais écrit quelques lignes dans ce billet : « Une voiture électrique en forme de pyramide »:
… je lance ce message aux inventeurs: même si on invente un produit intéressant et qui rempli un véritable besoin, ça ne veut pas nécessairement dire qu’il sera commercialisable.
Une véritable analyse de l’historique des habitudes de consommation des clients reste aussi une idée à suivre, si on ne veut pas faire du « n’importe quoi »!
Bref, s’il existe plusieurs sites qui traitent des tendances, et j’en ai visité plus d’un millier je crois bien, il demeure que l’évaluation subjective de « ce qui fait le buzz » ne sera jamais aussi pertinente que l’évaluation objective de « ce qui fait le buzz ». Une telle démarche visant l’objectivité demande des efforts d’organisation et de planification. C’est pourquoi je propose souvent à mes clients de leur donner des bilans de recherche basés sur des méta-analyses et sur l’opinion de journalistes calés dans leur domaine.
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